lundi 2 juin 2008

A la rencontre de...


Les Champs du Possible…
(2ème partie)

Savy-Berlette, au cœur de la Communauté de Communes de l’Atrébatie. Petite commune rurale, où est implantée, cependant, un lycée d’enseignement agricole privé. Elle n’est donc pas sans richesse. Les éditions du Téléthon organisées chaque année à Savy-Berlette sont d’ailleurs connues et reconnues comme étant les plus mobilisatrices de la Région Nord-Pas-de-Calais. Mais « revenons à nos moutons », à cette dernière journée auprès des agriculteurs. L’occasion d’interroger Chérif sur ses premières impressions après l’enquête menée sur le terrain.

Pierre : Ton enquête de terrain auprès des agriculteurs du Pays d’Artois vient de se terminer avec cette dernière journée à Savy-Berlette, quelles sont tes premières impressions ?

Chérif : Je citerai d’abord un élément historique. Le 25 février 1949 à l’Assemblée Nationale, Pierre Pflimlin, alors ministre de l’agriculture, martelait : « Il n’y a pas de meilleurs moyens de faire sortir l’agriculture de ses difficultés présentes que de mettre à la disposition de tous les cultivateurs, les conquêtes du progrès technique et du progrès scientifique ». Ma première impression s’oriente donc vers la mutation du métier d’agriculteur. Depuis plus d’un demi-siècle, le métier d’agriculteur s’est profondément transformé sous l’impulsion de plusieurs influences : les transformations internes du milieu professionnel agricole, les innovations technologiques ainsi que les nombreuses attentes éthiques de la société. L’enquête que nous avons entreprise m’a permis de constater cette évolution. Le temps de la binette est révolu. Place aux pulvérisateurs, aux engrais chimiques. L’agriculteur est devenu le chef d’entreprise, calcule ses coûts, analyse ses marchés, s’adapte aux évolutions institutionnelles, réglementaires, politiques, commerciales et environnementales. Ainsi, la gestion des risques, qui est au cœur de mon étude, prend tout son sens. En effet, les risques du « noble » milieu agricole ont fortement augmenté : l’utilisation massive des produits phytosanitaires entraînent des risques sanitaires et des externalités environnementales négatives… souvent irréversibles. Sans compter les risques accidentels, les risques financiers… Rien n’est négligeable lorsque l’on évoque les risques d’une profession. Les agriculteurs en sont majoritairement conscients. Ainsi, à la fin de notre enquête, nous pouvons dire que plus de 50 % des agriculteurs interrogés sont conscients d’être soumis à un risque très élevé d’intoxication. Enfin, outre les statistiques que l’on pourra établir, je retiens avant tout du monde agricole, l’hospitalité sans limite et la convivialité qui se dégagent de tous ses acteurs. De Savy-Berlette à Neuville-Saint-Vaast, de Souastre à Grand-Rullecourt, en passant par Boiry-Sainte-Rictrude, je n’oublierai jamais, et je garderai comme premier souvenir cette première journée ensoleillée, nous étions alors réunis autour d’un barbecue, on me parlait en ch’ti, on me racontait les histoires de la région, la transformation du monde agricole, l’Europe, les bio-carburants…

Pierre : Peux-tu nous en dire plus sur les étapes qui vont suivre ton enquête de terrain ?
Chérif : Depuis le 23 mai, l’enquête de terrain est clôturée. Nous avons pu rencontrer en tout près d’une soixantaine d’agriculteurs du Pays d’Artois. Toutes les réponses aux questions doivent désormais être traitées et les premières statistiques sortiront d’ici peu. Viendra ensuite le temps de les analyser, de les commenter et d’entamer la rédaction finale (en incluant l’ensemble des observations de mon enquête dans mon mémoire universitaire). Ma soutenance se déroulera quant à elle à la fin du mois de juin / début juillet.

Pierre : Enfin, de par l’enquête que tu viens de mener, quel regard portes tu sur l’agriculture de la Région ?
Chérif : Il faut noter, tout d’abord, que l’opération de collectes des films plastiques agricoles usagés (qui nous a permis d’entrer en contact direct avec les agriculteurs) est un geste nécessaire dans la préservation de notre environnement et de gestion des risques sanitaires. Un acte responsable. C’est pourquoi, la présence sur le terrain, au côté des agriculteurs, d’animateurs comme Julien Lecouffe (GRDA/Chambre d'Agriculture du Pas-de-Calais) est primordiale. C’est le développement local par excellence, celui qu’ont pu nous enseigner nos professeurs. L’action que mène Julien est donc essentielle, car il joue parfaitement le rôle de relais pour un territoire. En partageant ses journées entre les agriculteurs, les collectivités territoriales et les associations, il nous montre à quel point il est important de communiquer et d’installer un climat de confiance dans un système donné. C’est, selon moi, le préalable à tout objectif de responsabilité et de durabilité.

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